5 sept. 2007

Sylvain des sources

Mars 2007 _ mini-dv
coul. _ 19 min 30
2cde projection privée, chez Sonia Fleurance, juillet 2007
20ème Festival Les Instants Vidéo, Canal Maritima, nov. 2007




Lieu & Cadre sonore : La Sourdaie
Modèle : Sylvain Treuillard
Textes : "Vie secrète" de Pascal Quignard & "Les métamorphoses" d'Ovide
Voix off & Composition sonore : Sandrine Treuillard









Lecture, portrait, paysage.
« La Sourdaie est le lieu de mon père Sylvain. Un demi hectare traversé de sources au-dessus d’un étang. Un système hydraulique permettait d’envoyer de l’eau au château situé plus haut.
Le jeu des sources dans les canalisations.
La Sourdaie est construite d’une petite bâtisse jadis au gardien des sources. Il fallait nettoyer le bélier, enlever les dépôts de vase, les feuilles pourries à l’entrée des canalisations. Changer les pièces recevant les coups du bélier.
Aujourd’hui, ce système est un vestige.
Seul l’accent circonflexe sur l’étang demeure. Le toit comme signe mystérieux et intime sur l’eau étale.
Sylvain est devenu le gardien des sources anciennes. Il les met au jour à nouveau. Nettoie le bassin. Retape la maison, y installe des fenêtres.
Je filme le début de son emprise sur ce lieu, au défrichage. Quand il l’apprivoise, le découvre. Je peux le dévoiler à son côté. Le lire en sa présence.




Peindre avec le pinceau du filmage. Mon œil peint, la caméra au bout de mon œil peint, tenue devant mon visage la caméra dans la paume entre les doigts, peint autant qu’elle capte.
Quand ça dure, quand le filmage dure, prend de la longueur, s’étale dans la durée, l’œil au bout de la caméra peint plus qu’elle ne capte. C’est le regard.




Comme le pinceau au bout du sexe de l’homme peint au fond du sexe de la femme la joie sur son visage (Quignard)
je filme le lieu de mon père en profondeur pour donner un visage a son secret.




Mais le secret demeure
le secret demeure dans le secret du domaine.




La Sourdaie est une grotte. Je filme le bord du lieu, ses frontières, son contour, l’écran aux reflets de l’étang. C’est l’air, le son que porte l’air, l’intervalle, les lumières ce matin-là, l’espace en somme que je capture en cherchant le secret des lieux.




Les textes extraits de « Vie secrète » de Pascal Quignard scandent les plans, glissent avec eux à travers ma voix. Ces fragments élus exaltent le film. Pénétrations multiples : texte dans l’image en mouvement, texte dans le geste même du filmage. Texte entrant dans la maison, en sortant, comme la caméra même passe l’embrasure de la fenêtre. Texte qu’inscrit la voix sur le paysage.





Texte qui, par la voix, relie le personnage présent, et tout occupé par le lieu, à la filmeuse. Filmeuse, toute occupée à saisir l’intervalle entre Sylvain et le lieu. Caméra tout occupée à mesurer sa position entre le lieu, Sylvain, et elle-même (la filmeuse). Lire. Filmer depuis pudeur. Interrogation des limites du voir. « Chercher
à voir pour mieux étreindre » (Freud & José Morel Cinq Mars) tout en construisant le processus du voir. « Vidéo », je vois dans la pudeur qui se cherche, se profile dans le filmage. Je regarde le paysage, la position dans l’espace des maison, étang, bassin, personnage, toit du bélier hydraulique (et un château hors-champ où l’eau jadis était envoyée). Le paysage est une peau et mon œil-caméra-dans-ma-main la caresse. L’espace devient le lieu palpable de la pudeur. Filmer dévoile ce qu’il y a de plus secret et de plus profond au sein de la pudeur. Ma voix, ce souffle disant les mots _la liste des titres des livres de Quignard en manière de poème_ est le véhicule à ma pudeur. Longuement filmer, la matière sonore environnante installe une durée musicale en plus de celle du plan vibrant de l’image. »




Extraits :
« La voie propre à chaque peintre est fascinée. Un vrai peintre ignore ce qu’il fait. Parfois le peintre croit qu’il est comme un aigle avec sa serre au-dessus des levrauts des images alors que tous les peintres sont des levrauts, des rats, des petits passereaux sur lesquels s’ouvrent le bec et les serres du grand aigle des images nocturnes qui dresse à plusieurs reprises chaque nuit leur fascinus. »
in « Vie secrète »

« Sur le jadis
Le lecteur
Alexandra de Lycophron
La parole de la Délie
Abîmes
Sur le défaut de terre
Sang
L’être du balbutiement
Albucius
Les ombres errantes
Le nom sur le bout de la langue
Les paradisiaques
Echo, Epistolè Alexandpoy
Vie secrète
Hiems
Une gêne technique à l’égard des fragments
Les mots de la terre, de la peur, et du sol
Sarx
La haine de la musique
Le sexe et l’effroi
Les septantes
Inter Aerias Fagos
Le secret du domaine
Konh-Souen Long, sur le doigt qui montre cela
Rhétorique spéculative
Le vœu de silence
Les tablettes de buis d’Apronenia Avitia
Sordidissimes
La nuit sexuelle »